Le bal Tournevire
fait danser petits et grands depuis presque 40 ans
Martine Dudragne, percussionniste professionnelle, a marqué la scène musicale en dirigeant pendant de longues années
le CRC de Villiers-sur-Marne.
Présidente fondatrice de l’Adem (Association pour le développement de l’éveil musical),
elle a aussi créé le Bal Tournevire, qui fait danser le public depuis presque 40 ans.
Dans cet entretien, elle revient sur son parcours et ses passions musicales.
Bonjour Martine
Vous avez créé le Bal Tournevire il y a presque 40 ans, un bal folk spécialement pensé pour les enfants.
Quelle a été votre motivation au départ ?
Depuis l’âge de 17 ans je pratique les danses traditionnelles et en 1987 des écoles m’ont demandé d’animer des ateliers de danses traditionnelles. J’ai aussi animé de nombreux stages et ateliers pour adultes. A l’occasion d’un des stages, j’ai rencontré Francine Barbier qui adorait les danses traditionnelles et qui s’était inscrite à un de mes stages. On lui avait offert un accordéon diatonique pour ses 50 ans. A l’issue de la saison de stages elle m’a proposé de m’accompagner à l’accordéon pour animer quelques ateliers. Quelle chance ! De la musique vivante au lieu de cassettes ou disques (à l’époque). De fil en aiguille, nous avons proposé aux écoles des petits « bals » construits sur les musiques traditionnelles. J’ai donc fait quelques arrangements chorégraphiques et musicaux pour les rendre accessibles aux enfants.
Le succès ne s’est pas fait attendre, en 1988 nous avions déjà une vingtaine de demandes de « petits bals » comme on les appelait à l’époque. Très vite le besoin s’est fait sentir d’avoir un troisième musicien avec nous. Francine connaissait très bien Laurent Valero qui jouait dans son ensemble de musique baroque principalement de la flûte et du violon.
L’Ensemble Tournevire était né …
Depuis toutes ces années, l’équipe est restée très stable : vous-même meneuse de bal et aux percussions, Laurent Valero au violon, à l’alto et aux flûtes et aujourd’hui Ben Kaczmareck à l’accordéon diatonique, qui a rejoint le groupe après le décès de Francine Barbier. Comment trouvez-vous votre équilibre musical ensemble et comment faites-vous vos choix artistiques ?
Le modèle du « Trio » : flûte/violon – accordéon – percussions/voix est la base de notre bal. Nous pouvons ainsi adapter la plupart des musiques traditionnelles. L’ajout de la guitare avec Lucas Valero ou de la contrebasse avec Xavier Barloy pour certains bals où le public est particulièrement nombreux, apporte un support rythmique complémentaire.
L’originalité de l’ensemble TOURNEVIRE est d’avoir misé sur la valeur à la fois ludique et pédagogique des musiques traditionnelles. L’Ensemble s’est constitué, au fil des années, un répertoire riche et varié, composé de danses des pays du monde entier. Tout en conservant le caractère de chacune d’elles, TOURNEVIRE les adapte pour qu’elles puissent être aisément répétées et dansées par les enfants : une démarche originale pour leur faire découvrir la richesse des musiques en s’initiant à la pratique de la danse collective dans une ambiance résolument festive.
Vous jouez dans des contextes très variés, des crèches aux bals intergénérationnels.
Comment adaptez-vous vos animations à des publics aussi différents ?
Au fil des années, nous avons adapté le bal à chaque public. Tout en gardant les musiques de notre répertoire, j’ai adapté les chorégraphies en les simplifiant pour les petits (rondes, danses à deux, en file indienne et jeux chantés et dansés…), pour les plus grands avec des chorégraphies plus élaborées, jusqu’au bal pour les adultes pour lequel j’utilise les chorégraphies quasi originales mais toujours dans la simplicité. L’idée est de se faire plaisir rapidement en dansant.
Retour au calme
Votre répertoire s’appuie sur la tradition, mais il a évolué avec le temps.
Comment choisissez-vous vos morceaux et comment ces choix ont-ils changé au fil des années ?
Nous utilisons au départ les musiques originales collectées ça et là en fonction de la composition de notre ensemble et de nos goûts, mais toujours avec l’idée qu’elles peuvent être adaptées à tous les publics. Nous avons également fait appel à des arrangeurs qui nous ont apporté leur « touche personnelle » tantôt plus « Jazzy », tantôt plus ethnique, ou bien « bal populaire »
Mais nous sommes attachés à garder le caractère original de la musique choisie.
L’un de vos axes principaux est le travail pédagogique, notamment dans les écoles.
Quel est l’intérêt du répertoire traditionnel pour les enfants ? En quoi participe-t-il à leur développement ?
La danse traditionnelle est une source importante pour le travail pédagogique pour les enseignants : l’écoute, la socialisation de l’enfant, l’appréhension de l’espace, le développement du schéma corporel, de la compréhension, la mémoire. Elle contribue également à la connaissance des différentes cultures. Ses qualités sont innombrables. Les enseignants sont très demandeurs de ces répertoires sur lesquels ils s’appuient pour leurs activités physiques mais aussi culturelles et artistiques (confection de costumes par exemple).
Vous menez dans les écoles des projets de plusieurs séances. Pouvez-vous nous dire en quoi consistent-ils ?
Parfois les écoles souhaitent aller au-delà du bal folk et proposer aux enfants un « vrai » projet autour des danses et musiques traditionnelles sur plusieurs séances étalées dans l’année.
Je propose donc l’apprentissage de 2 ou 3 danses par classe issues du répertoire de l’ensemble Tournevire et d’une danse en commun pour l’ensemble des classes. Les enseignants choisissent les danses en accord avec moi afin qu’elles soient adaptées à l’âge des enfants.
L’objectif est surtout de favoriser l’apprentissage ludique et la mémorisation des pas de base, figures et gestes mais aussi des techniques de transmission orale. J’adapte les chorégraphies à l’âge des enfants et je laisse à l’enseignant la possibilité de faire des propositions. Pour chaque danse, un moment d’improvisation est proposé aux enfants. Ainsi enfants et enseignants prennent leur part à la préparation des danses. Les figures de danses et chorégraphies sont simples et facilement mémorisables pour garder l’aspect ludique du projet.
Les séances de préparation que j’anime se font sur les CD de l’ensemble Tournevire
Les enfants s’amusent bien pendant les séances de préparation (en général 3 séances d’une heure, espacées de 2 semaines à 1 mois pour que les enseignants aient le temps de reprendre les danses). Puis vient le Jour J. Les enseignants et les enfants ont préparé en amont des éléments de costumes très simples mais caractéristiques de chaque danse.
Nous établissons l’ordre de passage et l’organisation lors d’une réunion avec les enseignants.
Chaque classe a choisi une des danses apprises durant l’année et je propose une danse en commun pour l’ensemble des classes afin de terminer le bal en « beauté ».
Le jour du bal, tout le monde est bien concentré, bien costumé ! Une répétition générale avec les musiciens « en chair et en os » s’impose … Puis arrivent les parents, les fratries, parfois les amis et grands- parents : que la fête commence ! Les classes présentent leur danse accompagnée des musiciens puis la danse en commun et pour que la fête soit complète, les enfants invitent les spectateurs à danser.
Maintenant on se « lâche », on s’amuse, on profite du bal ..
Le bal final met en lumière le travail effectué par les enfants et les enseignants et constitue une restitution très appréciée par les différents participants et les spectateurs.
Vous intervenez aussi dans des lieux pour personnes âgées.
Qu’est-ce que ces danses leur apportent, selon vous ?
Nous sommes intervenus dans de nombreux clubs de personnes âgées mais aussi dans les maisons de retraite (EHPAD par exemple). L’approche est très différente : dans les clubs les personnes viennent pour danser, elles apprécient ce répertoire qui se rapproche souvent des danses de salons (valses, polka, danses en lignes…) ; dans les EPADH et maisons de retraites dans lesquelles les personnes sont moins mobiles, l’attente est surtout dans l’écoute. Les résidents apprécient les musiques du monde, les différentes sonorités et rythmes. Pour les plus mobiles, ils accompagnent les musiques avec des « percussions corporelles » que je leur suggère ou bien pour certains, des fredonnements ou quelques pas de danses … C’est un moment festif pour eux et un peu hors du temps. On voit leur sourire, leur attention qui s’aiguise, le plaisir se lit dans leurs yeux.
Même si vous puisez dans la tradition, vos choix ne sont pas figés dans une esthétique passéiste.
Comment avez-vous fait évoluer votre approche musicale au fil du temps ?
La musique traditionnelle est en constante évolution. Elle n’est pas figée. Chaque génération apporte son lot de musiques qui deviennent de ce fait traditionnelles à leur tour. Nous avons, par exemple, puisé dans les répertoires des Caraïbes, de musique country et des Fest-noz. Comme il s’agit de tradition orale pour la plupart des musiques, elles se modifient dans la transmission, dans les arrangements. Notre guitariste utilise par exemple une guitare électrique pour certains morceaux, les percussions sont variées, le chant s’adapte aux musiques actuelles
La fonction sociale du bal folk ? Elle est indéniable et structurante pour un groupe ou une société, s’accompagne d’une démarche vivante mais aussi de transmission.
Cette pratique du bal folk, en perpétuel renouveau, nous conduit à cette conclusion : la pratique des danses traditionnelles est différente de la pratique traditionnelle de la danse.
La pratique des danses traditionnelles est une démarche qui se renouvelle sans cesse. A la tradition s’ajoutent les apports de chacun selon son époque, sa sensibilité, sa créativité. La pratique traditionnelle de la danse s’appuie sur les fondements existants (pas de base, chorégraphies traditionnelles etc…). Evidemment, les deux concepts sont complémentaires !
Un bal en forme de joyeux tour du monde musical pour faire découvrir, en s’amusant, des danses, des figures et des pas, mêlés à l’écoute de sonorités nouvelles.
LES 35 ANS DE TOURNEVIRE
Vous avez édité plusieurs CD, qui sont des supports importants pour votre travail. Mais à l’heure où les CD disparaissent…
Comment diffusez-vous aujourd’hui vos musiques ?
Hélas, le modèle du support physique des musiques disparaît peu à peu. C’est dommage, car nos CD comportent des livrets explicatifs avec les pas, les chorégraphies, les origines des danses et de belles illustrations. Mais nous sommes diffusés sur la plupart des plateformes numériques (YouTube, Deezer, Spotify etc…) ce qui élargit considérablement notre public.
Et pour terminer :
Quels sont vos projets à venir pour le Bal Tournevire, et quel est votre regard sur l’avenir des bals folks pour enfants en général ?
Il existe de nombreuses compagnies qui proposent des bals pour enfants : folks ou autres.
Souvent ces bals s’adressent aux enfants à partir de 6 ou 7 ans. Il existe peu de bals adaptés aux plus petits.
L’ensemble Tournevire continue à faire danser petits et grands, principalement en Ile de France : écoles maternelles et élémentaires, crèches (avec le « bal des bébés » , très demandé), centres culturels, médiathèques, fêtes de villes et de village, ….
Faire la fête avec ses amis au son des musiques traditionnelles, voilà ce que propose l’Ensemble Tournevire qui promène ici et là un authentique « bal folk » où les enfants, et tous ceux qui ont su le rester, sont les rois.
DISCOGRAPHIE
1990 : J’écoute, je danse – 1er album de l’Ensemble Tournevire principalement tournée vers le jeu dansé
1994
J’écoute, je danse le monde
Album destiné aux enfants dès 3 ans ; tourne autour des danses du monde.
1996
J’écoute, je chante, je danse
Continue la démarche : chants + danses, répertoire mondial, encourage les enfants à bouger, chanter, danser.
2000
Carnet de bal
Collaboration avec des personnalités comme Romain Didier, etc.
Un recueil / compilation de danses et chants traditionnels du monde entier pour enfants (à partir de 3 ans)
Quelques pot-pourris à écouter 2009
Carnet de bal
J’écoute, je dans
J’écoute, je danse le monde
Folk à danser (CD + DVD)
Album + DVD pédagogique montrant danses & coulisses, ce qui marque un renforcement de la dimension éducative / visuelle. Destiné dès 2 ans.
2017
Le Grand Bal du Monde
Sur le site de l’ADEM (Association pour le développement de l’éveil musical) vous trouverez plusieurs fiches pédagogiques autour des danses traditionnelles.
N° 28 : Jouer, chanter, danser 1 (rondes et jeux de déplacements pour les jeunes enfants)
N° 29 : Jouer, chanter, danser 2 (rondes et jeux de déplacements pour les jeunes enfants)
N° 55 : Bal Folk
N° 65 : Entrez dans la danse, écoutez comme on chante
Vous pouvez également écouter des extraits des CD et les commander en ligne : Productions de l’ADEM
Pour prolonger la découverte, consultez aussi la rubrique « Expériences pédagogiques » du site, notamment la ressource : Musiques et danses traditionnelles à l’école