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Témoignages sur le village musical de Robert Hébrard

Dans les années 80 Robert Hébrard, percussionniste et constructeur d’instruments en bois d’inspiration extra-européenne, a créé un village musical.
Nous faisons un historique de ce village, avec des documents glanés ici et là, en nous excusant de la qualité des photos.

La genèse des maisons de musique

témoignage de Cristina Agosti-Gherban

Souvent dans le travail avec les jeunes enfants, notamment en crèche, nous sommes confrontés au fait que les instruments ne sont pas adaptés aux jeunes enfants ; trop petits, trop fragiles. Nous avons eu le désir de disposer d’instruments de bonne qualité, solides et adaptés au besoin de mouvement de l’enfant. C’est ainsi que naquit l’idée de trouver un constructeur d’instruments qui puisse faire un instrument-jeu collectif.

Une collègue et moi-même avons contacté Robert Hebrard. Nous lui avons proposé de construire une maison de musique, lieu d’explorations, de jeux moteurs sonores, ou autres. Nous la concevions un peu comme la maison de Hansel et Gretel, avec des murs, non pas en pain d’épice, comme dans l’histoire, mais en sons divers. Nous aurions aimé aussi qu’elle soit comme un jeu de construction, avec des éléments qui s’enlèvent pour faire d’autres formes, créer d’autres espaces.

Ainsi naquit la première maison de musique de Robert Hebrard qui est non seulement un formidable instrument de musique collectif, mais aussi un très bel objet.
Elle a été commandée pour la crèche Ethel et Julius Rosenberg du Blanc Mesnil (93) par Fernand Vandenbogaerde, directeur de l'école de musique de la ville, où il y avait des interventions musicales des professeurs du conservatoire.

Les murs sont des balafons, le toit des angklung ( instrument de l'île de Java. Il est constitué de 3 tubes de bambou accordés à l’octave et disposés verticalement dans une structure légère de bambou. Chaque structure possède des bambous de longueur différente, qui produisent des notes diverses quand on les secoue).

A l’avant en hauteur, il y a des tambours de bois, à l’arrière des boîtes maracas, tout ceci (sauf le balafon) étant manipulé par des ficelles qui descendent jusqu’au sol et peuvent être tirées par les bébés. À l’avant, il y a deux énormes roues, remplies de grenailles qui, en tournant, imitent le bruit de la mer.

Les enfants de la crèche se sont appropriés cette maison de diverses manières. Certains y sont allés d’emblée sans aucune réticence, ont joué de tous les instruments, les plus grands ont même escaladé les murs-balafons et joué à cache-cache entre les poteaux. Pour certains petits, et surtout les bébés, il a fallu une période « d’apprivoisement ». Nous y allions avec eux et faisions tourner la roue tout doucement, nous visitions la maison un par un, découvrant et essayant ensemble. Après cette période, tout le monde a été à l’aise dans la maison, et avec les plus grands on a même inventé de véritables histoires sonores.

Suite à cette expérience, d’autres commandes ont été faites et différents types de maisons, ont vu le jour.

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Questions à Jean Baptiste Lombard

Vous êtes musicien, et vous avez dirigé et animé pendant 20 ans le village musical, composé de maisons musicales construites par Robert Hebrard, à la bambouseraie d’Anduze.
Pouvez-vous raconter en quoi consistait ce village et nous décrire les maisons qui s’y trouvaient ?

Le village musical de Robert Hébrard à la Bambouseraie de Prafrance à Anduze a été créé en 1990, et inauguré par un concert en présence de Claude Nougaro et des représentants de la DRAC Régionale et du département avec Robert Hébrard et 6 percussionnistes de la Région intéressés par ce projet étonnant et original de création d’un lieu à la fois pédagogique et touristique. La bambouseraie de Prafrance avait fourni le bambou et Robert et son équipe ont travaillé plusieurs mois à la construction du village dans une clairière en plein cœur de la Bambouseraie qui est un des plus gros site touristique du sud de la France.

À l’entrée du village musical, à droite, il y avait un clocher assez haut de 6 m environ, avec des angklungs.

Les visiteurs pouvaient faire sonner ces cloches de bambou en les secouant ou en tirant sur les cordes. On pouvait jouer à plusieurs à partir du sol, avec un musicien de chaque côté du carré de base.

A gauche en entrant, il y avait une grande roue marine de 5 m de diamètre, que les visiteurs faisaient tourner lentement, ce qui déclenchait les bâtons de pluie longs remplis de perles de verre accrochés sur les rayons de la roue qui s’écoulaient à tour de rôle en arrivant en haut. L’effet était saisissant et très puissant ! Cette roue qui tournait lentement donnait l’impression de vagues successives qui venaient se fracasser sur la plage.

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Ensuite, une grande maison à gauche abritait deux balafons géants avec des grandes lames de bois exotique Samba (entre 1 mètre et 2 mètres de long), que les visiteurs ou les musiciens frappaient avec des mailloches très grosses et lourdes. Les résonateurs derrière les lames étaient faits de tubes PVC de 20 cm de diamètre et de différentes longueurs, entre 30 cm et 2 mètres, accordés selon les notes et la taille des lames. Les sons étaient très graves et sonores. Un des balafons été accordé sur la gamme pentatonique utilisée par Hèbrard (fa, sol, sib, do ré, fa sur 2 octaves). L’autre balafon était accordé sur une gamme balinaise. Les 2 balafons géants étaient entourés de chaque côté par des sortes de harpes en bois accrochées sur la structure. On frappait ces lames avec une mailloche en bois dur qui glissait sur les harpes de haut en bas. Ces éléments étaient à la fois des sculptures et des instruments, c’était une des idées originales de Robert.

Au fond du village, en face de l’entrée, il y avait un grand escalier en bambou qui permettait d’aller au premier étage du temple de style maison Indonésienne ornée de bambous peints.

Sur cette plateforme était installé un énorme orgue à Angklungs que l’on faisait sonner en poussant fort sur des poignées qui coulissaient d’avant en arrière avec des ressorts. Le jeu de cet instrument étant très physique, il était plutôt fait pour des adultes un peu costauds !

A droite du temple, une quatrième maison vide permettait d’installer des petits balafons portables au sol ou sur des tables. Des bancs de bois permettaient de jouer des tambours en tous genres, djembés, Doundoun et tous les tambours sur pieds en pvc avec peau crées par Robert. Les maisons étaient entourées de rideaux de bambou où les enfants passaient en caressant de la main les petits bambous accrochés et des bâtons de pluie de toutes tailles.

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Les petits en particulier adoraient se promener dans ces couloirs sonores qui permettaient de créer des ambiances très variées en inventant des histoires qui faisaient le bonheur des enfants lors des classes musicales.

Petit à petit, nous avons complété cet instrumentarium Hébrard déjà très riche par des cloches en métal en tous genres et par des gongs de toutes tailles. Il y avait aussi les arcs musicaux et les kutu wapas en aluminium inventés par Robert, ainsi qu’une série de balafloks (sortes de tam-tam secs très puissants en bois montés sur un coffre qui servait de résonateur). On pouvait les déplacer et créer des circuits musicaux qui permettaient aux enfants de courir le long de ces gros instruments en les frappant au passage. L’orchestre était complété par une trentaine de petits balafons portables ou des lithophones que l’on posait sur le sol sur la place centrale du village lors des animations de classe. Un musicien professionnel guidait les animations et dirigeait l’orchestre ainsi créé avec les enfants ou les groupes de touristes. L’ensemble était très harmonieux, car la même gamme pentatonique était utilisée dans presque tous les instruments, sauf un certain nombre qui étaient accordés sur la gamme balinaise.

A qui s’adressaient ces animations ?

Aux visiteurs de la bambouseraie et aux enfants et enseignants que nous recevions pour des classes musicales ou des visites découverte. De temps en temps étaient proposés des concerts de percussions.

Suite à une tempête de neige le village a été détruit, que s’est -il passé ensuite ?

Oui, en janvier 2000, une tempête de neige très épaisse et lourde a mis la forêt de bambou au sol et le village musical a été complètement écrasé par la neige et la forêt de bambou.

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Grâce à l’aide de la Maif assurance qui a financé la reconstruction, un nouveau village en bois avec des toitures en tôles colorées dans un style Antillais a été réalisé à distance par des charpentiers et réinstallé au même endroit. Malheureusement, assez rapidement, les relations avec la Bambouseraie se sont dégradées, les propriétaires souhaitant récupérer l’espace, et nous avons été obligés de chercher un autre lieu pour installer le nouveau village. Après des mois de recherche dans toute la région, j’ai entendu parler du château de Boisseron, dans le même département du Gard, près de Sommières. C’était un petit château à vocation d’accueil touristique qui avait un joli petit parc boisé, très peu utilisé. Il y avait la place pour recevoir des groupes de scolaires qui pouvaient donc tout faire sur place sans les problèmes de car et de transports que nous avions à la Bambouseraie pour rejoindre un lieu. Le village a été déplacé après avoir été démonté et remonté dans le parc de Boisseron avec l’aide la Mairie et l’autorisation des propriétaires.

Le déménagement a été assez compliqué, voici une photo du déplacement de la roue.

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Le nouveau village musical accueillait des classes qui venaient de toute la France pour une semaine ou des groupes de la Région qui venaient pour quelques heures dans la journée. Nous y organisions régulièrement des concerts publics avec le groupe des musiciens professionnels (GUDANG GARAM) qui animaient le village et des percussionnistes connus invités.

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Malheureusement, suite à un épisode cévenol, une crue très violente du Vidourle a inondé le parc de Boisseron et le village a été recouvert de 1m 80 d’eau qui a emporté ou détruit une bonne partie des instruments.

Qu’avez-vous fait ensuite ?

Nous avons récupéré une partie des instruments dans le Vidourle, les avons nettoyés et nous avons repris nos activités en nous déplaçant aussi beaucoup dans d’autres parcs de la région, car la château a été mis en vente et nous avons fini par quitter ce lieu qui restait en zone inondable, donc à risque.

Que sont devenues ensuite ces structures ?

Une partie que nous avons pu sauver a été remontée ou donnée à des structures d’accueil en Cévennes qui s’en sont servis pendant quelque temps avec notre aide pour des classes musique. Mais nous avons cessé toute activité pédagogique avec GARAM en 2010.

Vous avez continué votre vie en tant que musicien dans le groupe "La grande bleue", est-ce que ce travail avec les instruments Hébrard a influencé votre pratique ?

Oui, en parallèle de la direction du Village musical, avec mon groupe La Grande Bleue que j’avais créé en 1980, j’ai continué les concerts et des spectacles musicaux pour jeune public qui ont eu beaucoup de succès (6 ans de tournées dans toute la France avec les Jeunesses Musicales de France).

Au sein de La Grande Bleue j’ai souvent utilisé des instruments de Robert Hébrard, en les intégrant à la musique jazz oriental de La Grande Bleue (les lances à angklungs, les balafons altos et les lithophones) dont je joue toujours avec plaisir.

Voici quelques extraits musicaux :
(composition et jeu Jean-Baptiste Lombard)

« CONGAYOUGO » avec les lances a angklungs et le balafons :

« DIX PETITS PYGMÉES » avec balafons et bâtons de pluie

« SHGONGOLOLO EXPRESS » avec le lithophone

La Grande Bleue a enregistré trois disques de musique (Horo, Tutto va bene et Musiques imaginaires de Méditerranée) salués par la critique et réédités en vinyle en 2022. Elle a été invitée dans de nombreux festivals en France et a l’étranger ( Syrie en 2001).

Elle a aussi édité six disques de contes musicaux pour enfants dont deux ont eu 4fff dans Télérama. Les trois disques de La Grande Bleue ont été réédités en coffret 3 CD « prestige » en 2021 par le label Mazetto Square.

Quels sont vos projets actuels :

Ma dernière création en cours « La Sultane du désert» est un conte musical sur une femme extraordinaire, Isabelle Eberhard, morte à 27 ans en 1904, qui a vécu sa courte vie en Algérie et qui a écrit des textes magnifiques sur le désert. Je cherche actuellement une comédienne- musicienne pour réaliser en duo ce projet.

J’ai produit et réalisé un disque solo, «  Bourlinguer » avec mon instrument fétiche, la kamaycha, que j’ai fabriquée à partir d’une calebasse en arrivant dans les Cévennes en 1974. C’est une sorte de violoncelle oriental à archet avec 3 cordes de violoncelle et 8 cordes sympathiques. On peut jouer aussi bien de la musique indienne ou orientale que du classique ou du jazz.

Dans ce CD, j’utilise aussi une grosse sanza tortue et des percussions en tous genres, dont le lithophone de Robert Hébrard.

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Pour entendre la Kamaycha, voici un morceau extrait de ce CD, appelé San Marti d’Empuries.


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